RÉGISSEUR DES BIENS DE M. D'ABBADIE (12)
Le 29 fructidor an VIII il est dit curé de LOUIN demeurant à Saint-Loup. Etant régisseur des biens du châtelain de cette commune il devait loger au château, probablement dans le vieux château non loin de la domesticité. Logeait-il dans l'aile du XVe siècle au-dessus de la chapelle comme l'abbé Bion, le futur archiprêtre de Niort qui occupe de 1735 à 1740 une chambre « tapissée de Bergame, meublée d'un secrétaire de bois d'amarante, de chaises tendues de maroquin rouge et d'un lit à la duchesse avec courte pointe de satin bleu et rideaux de soie feuille morte à fleurs d'argent, doublés de taffetas bleu- où jouent les bonnes grâces » (13). C'est en ces murs qu'il rédige son testament le 5 mai 1808 « en la chambre que j'habite au château de Saint-Loup » (14).
FORTUNE PERSONNELLE
Ce testament nous permet de connaître très exactement la fortune de notre abbé. Il est ainsi conçu :
Je Pierre René Marie CORNUAULT, prêtre catholique soussigné, voulant disposer de mon bien en faveur de ceux qui, dans les crises alarmantes que j'ai fréquemment éprouvées pendant la révolution, m'ont préservé de
la mort, rendu quelques services ou procuré mon bien-être, ai fait mon testament ainsi qu'il suit :
l) le donne à M. Laurent D'ABBADIE et à Mme son épouse demeurant à St Loup, la maison qui m'appartient dans le bourg de LOUIN et le jardin y attenant. A raison du présent don M. et Mme D'ABBADIE sont invités à procurer un logement au prêtre desservant la paroisse de LOUIN, en ce canton... (ils) ne pourront y être contraints et ce logement pourra être tout autre que celui que je donne. Eux et leurs successeurs feront sur cela ce que la loyauté leur inspirera (15) (cette maison avait été achetée le 8 thermidor an IV avec ses dépendances, 1450 F).
2) Je donne aux dits D'ABBADIE et à Mme son épouse le jardin que l'on nomme « la fruitière » et le pré y joignant situés à LOUIN (pré acheté le 25 février 1791 au district de Parthenay pour 1850 livres).
3) Je donne à mon ami JOUNAULT, homme de loi à Thouars... le bled de rente qui m'est dû sur la métairie de la Chaponnière (CHAPRONNIERE) en la commune d'Airvault.
4) Je donne à M. Georget, .notaire à Thouars, mon argenterie de table, le grand cabinet que j'ai à LOUIN...
5) Je donne à Alexis BERTHONNEAU et à Marie Jeanne JAULIN son épouse de BARROU, ma pièce de champ, située au terroir de la Melle en la commune d'Airvault.
6) Je donne à FILLATREAU, tisserand et à Jeanne JAULIN, son épouse, demeurant à LOUIN, la pièce de terre que j'ai achetée des héritiers TURQUOIS, celle située à LOUIN au lieu-dit du moulin à vent.
7) Je donne à André Marsault le jeune, maire de LOUIN et à Louise JAULIN, son épouse, mes boucles d'argent, une montre, le tonneau que j'ai à LOUIN, .les arbres qui sont autour du pré n° 2 ci-dessus et ma borderie de CHAMPEAU (commune de LOUIN) qui consiste, etc... (assez importante).
8) Je donne à mon cousin VERGNAULT d'Airvault et à sa sœur mes deux pièces de vignes de MALPOIGNES en la paroisse d'Airvault.
9) Je donne à Suzanne PAZIOT, mon ancienne gouvernante, la somme de 300 F.
10) Je donne à la gouvernante que j'aurais lors de ma mort la somme de 300 F.
12) Si lors de ma mort, André Marsault le Jeune, ou Louise JAULIN son épouse, sont dépositaires de quelques effets à moi appartenant, excepté de l'argent, je leur en fais don ainsi que mon bateau. Outre ce qui vient d'être énuméré l'abbé CORNUAULT possédait en plus :
- à TESSONNIERE : un bois de 6 boisselées,
- à AIRVAULT : une ouche de 4 boisselées.
Ne soyons pas étonnés si les prêtres sont propriétaires de biens matériels. Le clergé de second ordre gère les biens patrimoniaux hérités de leurs parents ce qui les oblige à se fixer dans leur pays natal. La déclaration du 16 novembre 1723 stipule que chaque ecclésiastique pouvait faire valoir sans taille les terres dépendant de ses bénéfices ou de ses biens patrimoniaux jusqu'à concurrence de quatre charrues dans une même paroisse (16).
EN CONCLUSION
Nous voici arrivés au terme de cette évocation. Nous aurions pu nous étendre sur certains faits, fournir plus de détails mais la place nous manque. Prêtre catholique, l'abbé CORNUAULT, accepte la Constitution civile du clergé, il accueille avec joie les premiers pas de la Révolution. Ne lui jetons pas la pierre, le bas clergé était en principe assez pauvre et vivait en communion parfaite avec le peuple. Si la Révolution dévie, si elle sombre dans le sang et l'anarchie ne soyons donc pas étonnés s'il « pousse alors le civisme au-delà des limites permises » (Abbé AUTEXIER). Cherchait-il à sauver sa tête, ou plus simplement à vivre au milieu de ses paroissiens pour leur prodiguer les consolations de la religion ?... Telle est la question que nous posons. Au lecteur de juger !...
Cl. A. FOUGEYROLLAS