Histoires et petites histoires

Mémoire de Louin

d'un village du Poitou

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L'ENCHAÎNEMENT

Du samedi 21 mars au vendredi 3 avril 1789 a lieu, dans la salle des exercices du collège de Poitiers, l'assemblée de l'ordre du clergé. CORNUAULT, fondé de pouvoir de François René DEZANNEAU, curé de Saint-Pierre d'Airvault et de Gustave GAUVE-GILBERT, titulaire de la chapelle SAINTE-MARGUERITE-DES-GUERRIES, ne se présente pas à l'assemblée. Pourquoi cette défection ? Est-il malade ? Juge-t-il sa présence non indispensable? Quel est le fond de sa pensée ? On verra d'ailleurs 200 votants sur 1200 inscrits.

Préfère-t-il agir au niveau de sa paroisse jugeant les discours inutiles ? C'est ce qu'il fait. Le 31 janvier 1790, il lit au prône les lettres patentes du roi de décembre 1789. Puis, après la messe, 117 citoyens de plus de 25 ans procèdent à l'organisation de la nouvelle municipalité. Notre abbé est élu président de l'assemblée. Puis on procède au vote : André Marsault est choisi comme maire. Dans une seconde séance on nomme 5 membres et un procureur. L'abbé CORNUAULT fait l'unanimité pour ce poste.

Le 29 juin suivant, après la grand messe, devant l'autel on dépose une table, des chaises ; la paroisse étant assemblée on demande des volontaires pour la garde nationale, il en faut 100... On s'interpelle... l'abbé est présent, il serre les mains, essaie par quelques bonnes paroles de convaincre les indécis (3) . La bonne humeur règne. Le 14 juillet suivant, à midi, on plante un arbre de la liberté. Après la messe, dite par CORNUAULT, ce dernier et les habitants font serment « d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi et de ne jamais abandonner la cause du bien public ». Un feu de joie complète les festivités pour l'anniversaire de la Révolution « qui nous a si heureusement mis en liberté et à jurer de maintenir « la CONSTITUTIOR ». Si jusqu'à présent tout s'est passé dans le calme, la tempête gronde ; les décrets, les lois, ne 'lardent pas à tomber sur le clergé comme vagues déferlantes sur navire en perdition. Le 4 août les droits féodaux, de l'église et les dîmes sont abolis, le 2 novembre les biens ecclésiastiques sont mis à la disposition de la nation, le 13 février 1790 les couvents, les ordres contemplatifs sont supprimés, considérés comme inutiles. En avril, l'assemblée décide que tous les ecclésiastiques seront payés en argent, le 9 mai la vente des propriétés ecclésiastiques est décidée, le 12 juillet la constitution civile du clergé est votée, ratifiée par le roi le 24 août. Le II novembre on procède à l'inventaire des biens de la cure de LOUIN. Les biens nationaux étant mis en vente, CORNUAULT, achète le presbytère avec jardin, cour et entrée puis un second jardin appelé « la fruitière » et la prairie attenante. Le 27 novembre une nouvelle loi complète celle du 12 juillet et décrète que tous les ecclésiastiques, considérés comme fonctionnaires publics devront jurer fidélité.

En voici les termes :

« Je jure de veiller avec soin sur les fidèles du diocèse (ou de la paroisse) qui m'est confié, d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi et de maintenir de tout mon pouvoir la constitution décrétée par l'Assemblée Nationale et acceptée par le roi ».

En cas de refus du serment ils étaient considérés comme démissionnaires. L'ensemble des prêtres se trouve devant un choix redoutable et douloureux ; un choix qui permet de trancher entre deux fidélités : à l'église ou à la nation. L'abbé CORNUAULT, libéral, ne voulant pas être révoqué et perdre ainsi la direction de ses paroissiens jure fidélité à la Constituante le 6 février 1791. Nous lisons dans les registres de délibération « Pierre, René, Marie CORNUAULT, curé de LOUIN, en qualité de fonctionnaire et comme véritable citoyen a juré en vertu du décret du 27 9bre dernier et sanctionné par le roi... Fait et clos en l'église de ce lieu à l'issue de la messe paroissiale ». Mais tous les prêtres n'ont pas le même enthousiasme. Il y a ceux qui acceptent et ceux qui refusent. Cette loi engendre deux partis qui vont s'opposer l'un à l'autre, se combattre avec leurs partisans, leurs ministres et leurs fidèles. Il nous est facile de juger avec le recul des années ; mais au moment où se déroule ces événements peu de prêtres discernent exactement tout l'enjeu du problème. Quand au Pape, chef suprême de l'église, il se tait (4) . Les insoumis vont déclencher contre leurs personnes une véritable répression. Fin 1791 affluent sur le bureau de l'Assemblée législative des pétitions réclamant des mesures contre les prêtres réfractaires :

« ces fanatiques, semant le désordre, fomentant des troubles ».

La Législative qui succède à l'Assemblée Constituante (30.9.1791) décide d'agir. Le 29 novembre un premier décret ordonne que « tous les ecclésiastiques séculiers ou réguliers, fonctionnaires publics ou non, doivent prêter sous huit jours le serment, faute de quoi ils seront réputés suspects de révolte contre la loi et de mauvaises intentions contre la patrie et recommandés à la surveillance de toutes les autorités constituées et pourraient être en cas de troubles chassés de leur domicile, déférés devant les tribunaux et punis d'emprisonnement » (5) .

Ce décret est de nouveau renforcé le 27 mai 1792, il frappe les prêtres de déportation. Le roi oppose son veto. L'étau se resserre, la Révolution est en marche, sa haine contre les prêtres se voit renforcée par les revers que subit notre armée. On leur demande de renoncer à l'exercice antique de la religion et de prendre le titre de «prédicateur de morale ».

Cette fois-ci c'en est trop. Le 9 juillet 1792, l'abbé CORNUAULT se rétracte, il veut bien prêter serment mais seulement «quant la constitution civile du clergé » mais pas renoncer à l'exercice de la religion et demande acte de sa décision. Le voilà passible d'emprisonnement. Subit-il des pressions de la part de ses amis qui lui démontrent qu'il vient de commettre une grave erreur ? C'est possible puisqu'il se rétracte et maintient son serment d'une manière absolument définitive le 29 juillet 1792 puisqu'il est dit « Mr notre curé s'est conformé à l'arrêté du district du 17 du présent mois ; nous sommes tous tranquilles et nous espérons que dans la suite rien ne nous troublera ». Le 10 août 1792, la chute de la royauté rend caduc le serment de fidélité à la Constitution civile du clergé. Nouveau décret le 26 août : les insermentés devront sous les huit jours sortir des limites de leur département et dans la quinzaine des frontières de la France ; ce délai écoulé ils seront déportés en Guyane. La première formule du serment demandait de jurer « d'être fidèle à la nation et de maintenir la liberté et l'égalité, ou de mourir en les défendant ». Le 3 septembre les termes sont modifiés « Je jure d'être fidèle à la nation, de maintenir de tout mon pouvoir la liberté, l'égalité, la sûreté des personnes, des propriétés et de mourir s'il le faut pour l'exécution des lois ». CORNUAULT refuse de prêter le serment... Sera-t-il déporté ?... Non car il cesse toute activité religieuse à la fin de 1792. Il n'est plus qu'un officier habilité à recevoir les actes de naissances, mariages et décès.

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