Histoires et petites histoires

Mémoire de Louin

d'un village du Poitou

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Les tribulations de L'abbé CORNUAULT curé de LOUIN pendant la Révolution

article paru dans la revue "LE PICTON"

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tableau se trouvant dans l'église.

« Ne nous condamnez pas, mes enfants, on ne savait quelle conduite tenir, on manquait de direction ».

(Périgord, curé du diocèse de Chartres).

LOUIN petite commune du canton de SAINT LOUP SUR THOUET (DEUX-SEVRES) appartenait sous l'ancien régime à la sénéchaussée et à l'élection de POITIERS. Elle comptait 200 feux en 1750, la cure était à la nomination de l'abbé d'Airvault.

A la veille des tristes journées que nous allons évoquer, cette paroisse est desservie par l'abbé Pierre, René, Marie CORNUAULT (ou CORNUAU) né le 20 janvier 1750 à Airvault. fils de Pierre, tanneur et de Rosé PAQUIER. C'est donc un enfant du pays qui dessert cette paroisse ; ne se dit-il pas, dans une lettre du 4 germinal an II, «religieux de l'abbaye d'Airvault ». (2)

POSITION DU CLERGÉ

L'abbé CORNUAULT connaît bien ses paroissiens et leurs aspirations ; lui-même est libéral comme la plupart de ses confrères. S'il n'a pas pressenti la Révolution du moins l'appelle-t-il de tous ses vœux, quitte à le regretter plus tard lorsque les excès s'accumuleront. On peut être surpris de cet état de fait, mais le clergé de France à la veille de la Révolution n'a pas, suivant sa position hiérarchique, le même état d'esprit. Deux classes distinctes s'affrontent : les nobles et les roturiers.

Les premiers, évoques et grands vicaires qui chantent dans les collégiales communiquent avec la noblesse ; tandis que les roturiers épousent les intérêts du Tiers État dont ils sont issus.

Les événements que nous allons évoquer et qui s'enchaînent dans une suite tragique se retourneront contre l'église et ses desservants qui, pendant plus de deux ans, collaboreront en étroite association avec l'État à l'Assemblée nationale pour établir une France nouvelle. Mais le voyage des parisiennes à Versailles, le retour du roi à Paris prisonnier aux Tuileries, font sur les députés des trois classes un effet désastreux. Stupéfaction et découragement gagnent les rangs. Ajoutez à cela la division du clergé entre les soumis et les insoumis ; mais n'anticipons pas.

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L'ENCHAÎNEMENT

Du samedi 21 mars au vendredi 3 avril 1789 a lieu, dans la salle des exercices du collège de Poitiers, l'assemblée de l'ordre du clergé. CORNUAULT, fondé de pouvoir de François René DEZANNEAU, curé de Saint-Pierre d'Airvault et de Gustave GAUVE-GILBERT, titulaire de la chapelle SAINTE-MARGUERITE-DES-GUERRIES, ne se présente pas à l'assemblée. Pourquoi cette défection ? Est-il malade ? Juge-t-il sa présence non indispensable? Quel est le fond de sa pensée ? On verra d'ailleurs 200 votants sur 1200 inscrits.

Préfère-t-il agir au niveau de sa paroisse jugeant les discours inutiles ? C'est ce qu'il fait. Le 31 janvier 1790, il lit au prône les lettres patentes du roi de décembre 1789. Puis, après la messe, 117 citoyens de plus de 25 ans procèdent à l'organisation de la nouvelle municipalité. Notre abbé est élu président de l'assemblée. Puis on procède au vote : André Marsault est choisi comme maire. Dans une seconde séance on nomme 5 membres et un procureur. L'abbé CORNUAULT fait l'unanimité pour ce poste.

Le 29 juin suivant, après la grand messe, devant l'autel on dépose une table, des chaises ; la paroisse étant assemblée on demande des volontaires pour la garde nationale, il en faut 100... On s'interpelle... l'abbé est présent, il serre les mains, essaie par quelques bonnes paroles de convaincre les indécis (3) . La bonne humeur règne. Le 14 juillet suivant, à midi, on plante un arbre de la liberté. Après la messe, dite par CORNUAULT, ce dernier et les habitants font serment « d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi et de ne jamais abandonner la cause du bien public ». Un feu de joie complète les festivités pour l'anniversaire de la Révolution « qui nous a si heureusement mis en liberté et à jurer de maintenir « la CONSTITUTIOR ». Si jusqu'à présent tout s'est passé dans le calme, la tempête gronde ; les décrets, les lois, ne 'lardent pas à tomber sur le clergé comme vagues déferlantes sur navire en perdition. Le 4 août les droits féodaux, de l'église et les dîmes sont abolis, le 2 novembre les biens ecclésiastiques sont mis à la disposition de la nation, le 13 février 1790 les couvents, les ordres contemplatifs sont supprimés, considérés comme inutiles. En avril, l'assemblée décide que tous les ecclésiastiques seront payés en argent, le 9 mai la vente des propriétés ecclésiastiques est décidée, le 12 juillet la constitution civile du clergé est votée, ratifiée par le roi le 24 août. Le II novembre on procède à l'inventaire des biens de la cure de LOUIN. Les biens nationaux étant mis en vente, CORNUAULT, achète le presbytère avec jardin, cour et entrée puis un second jardin appelé « la fruitière » et la prairie attenante. Le 27 novembre une nouvelle loi complète celle du 12 juillet et décrète que tous les ecclésiastiques, considérés comme fonctionnaires publics devront jurer fidélité.

En voici les termes :

« Je jure de veiller avec soin sur les fidèles du diocèse (ou de la paroisse) qui m'est confié, d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi et de maintenir de tout mon pouvoir la constitution décrétée par l'Assemblée Nationale et acceptée par le roi ».

En cas de refus du serment ils étaient considérés comme démissionnaires. L'ensemble des prêtres se trouve devant un choix redoutable et douloureux ; un choix qui permet de trancher entre deux fidélités : à l'église ou à la nation. L'abbé CORNUAULT, libéral, ne voulant pas être révoqué et perdre ainsi la direction de ses paroissiens jure fidélité à la Constituante le 6 février 1791. Nous lisons dans les registres de délibération « Pierre, René, Marie CORNUAULT, curé de LOUIN, en qualité de fonctionnaire et comme véritable citoyen a juré en vertu du décret du 27 9bre dernier et sanctionné par le roi... Fait et clos en l'église de ce lieu à l'issue de la messe paroissiale ». Mais tous les prêtres n'ont pas le même enthousiasme. Il y a ceux qui acceptent et ceux qui refusent. Cette loi engendre deux partis qui vont s'opposer l'un à l'autre, se combattre avec leurs partisans, leurs ministres et leurs fidèles. Il nous est facile de juger avec le recul des années ; mais au moment où se déroule ces événements peu de prêtres discernent exactement tout l'enjeu du problème. Quand au Pape, chef suprême de l'église, il se tait (4) . Les insoumis vont déclencher contre leurs personnes une véritable répression. Fin 1791 affluent sur le bureau de l'Assemblée législative des pétitions réclamant des mesures contre les prêtres réfractaires :

« ces fanatiques, semant le désordre, fomentant des troubles ».

La Législative qui succède à l'Assemblée Constituante (30.9.1791) décide d'agir. Le 29 novembre un premier décret ordonne que « tous les ecclésiastiques séculiers ou réguliers, fonctionnaires publics ou non, doivent prêter sous huit jours le serment, faute de quoi ils seront réputés suspects de révolte contre la loi et de mauvaises intentions contre la patrie et recommandés à la surveillance de toutes les autorités constituées et pourraient être en cas de troubles chassés de leur domicile, déférés devant les tribunaux et punis d'emprisonnement » (5) .

Ce décret est de nouveau renforcé le 27 mai 1792, il frappe les prêtres de déportation. Le roi oppose son veto. L'étau se resserre, la Révolution est en marche, sa haine contre les prêtres se voit renforcée par les revers que subit notre armée. On leur demande de renoncer à l'exercice antique de la religion et de prendre le titre de «prédicateur de morale ».

Cette fois-ci c'en est trop. Le 9 juillet 1792, l'abbé CORNUAULT se rétracte, il veut bien prêter serment mais seulement «quant la constitution civile du clergé » mais pas renoncer à l'exercice de la religion et demande acte de sa décision. Le voilà passible d'emprisonnement. Subit-il des pressions de la part de ses amis qui lui démontrent qu'il vient de commettre une grave erreur ? C'est possible puisqu'il se rétracte et maintient son serment d'une manière absolument définitive le 29 juillet 1792 puisqu'il est dit « Mr notre curé s'est conformé à l'arrêté du district du 17 du présent mois ; nous sommes tous tranquilles et nous espérons que dans la suite rien ne nous troublera ». Le 10 août 1792, la chute de la royauté rend caduc le serment de fidélité à la Constitution civile du clergé. Nouveau décret le 26 août : les insermentés devront sous les huit jours sortir des limites de leur département et dans la quinzaine des frontières de la France ; ce délai écoulé ils seront déportés en Guyane. La première formule du serment demandait de jurer « d'être fidèle à la nation et de maintenir la liberté et l'égalité, ou de mourir en les défendant ». Le 3 septembre les termes sont modifiés « Je jure d'être fidèle à la nation, de maintenir de tout mon pouvoir la liberté, l'égalité, la sûreté des personnes, des propriétés et de mourir s'il le faut pour l'exécution des lois ». CORNUAULT refuse de prêter le serment... Sera-t-il déporté ?... Non car il cesse toute activité religieuse à la fin de 1792. Il n'est plus qu'un officier habilité à recevoir les actes de naissances, mariages et décès.

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VERS LE MARIAGE

Dès 1790 diverses propositions en faveur du mariage des prêtres sont formulées. La Constituante considère le mariage comme un simple contrat. Mais l'idée fait son chemin propagée par l'almanach du Père Girard composé par COLLOT D'HERBOIS et par la Feuille Villageoise sous la plume de François de Neufchâteau. Quant aux prêtres, à trop fréquenter les clubs, beaucoup ont perdu la notion de leur devoir. Fin 1791 le curé de Saint Cyr se marie ; en avril 1792 c'est Aubert vicaire à Sainte- Marguerite de Paris, puis LINDET évêque d'Evreux qui épouse sa servante. Le curé de ST-LOUP-SUR-THOUET, Jacques Joseph MORISSET, né en 1753, ancien vicaire à ST-LAURENT-DE-PARTHENAY est nommé curé constitutionnel, il fait son entrée le 29 janvier 1791 mais le 29 janvier 1794 il abdique, se marie et s'installe maître d'hôtel au Chêne Vert, à Parthenay, dont il devient le propriétaire. Il sera secrétaire de la Société populaire et servira dans la Garde Nationale. Il eut comme vicaire l'abbé MARCAULT qui, ayant adhéré à la Société des Amis de la Constitution, se déprêtrise le 25 janvier 1794. Et nous pourrions citer bien d'autres exemples.

Le mariage des religieux entre dans les mœurs facilité par la laïcisation de l'état civil voté le 20 septembre 1792. Du 7 août 1792 au 17 septembre 1793 les autorités publiques veulent contraindre rapidement le clergé à contracter mariage. Une série de décrets organise le statut légal ainsi que les avantages afférents à l'état de prêtre marié. Ainsi sont garanties : l'immunité vis-à-vis- des évêques et des paroissiens récalcitrants ou peu • compréhensifs. Le décret du 17 septembre 1793 indique que les prêtres ne peuvent être inquiétés dans leur commune à cause de leur mariage ; s'ils l'étaient ils pouvaient aller vivre ailleurs aux frais de ces communes.

Le 6 novembre 1793, les communes reçoivent le droit de supprimer leurs paroisses ou plus exactement la Convention décide que les citoyens auront droit désormais d'adopter le culte qui leur conviendra et de supprimer les institutions religieuses qui leur déplairont. Cette décision a pour effet de fermer les églises, d'interrompre partout l'exercice de la religion. Le décret du 13 novembre permet d'ailleurs à « toutes les autorités constituées de recevoir des ecclésiastiques et des membres du culte la Déclaration qu'ils abdiquent leurs qualités ». Un nouveau décret du 6-8 décembre proclame la liberté des cultes. Ainsi dans les derniers mois de 1793 et au début de 1794 la plus grande partie de l'église constitutionnelle accepte officiellement de disparaître. Suivant l'expression de l'époque « on se déprêtrise avec entrain ». Le 15 novembre 1793 une nouvelle loi indique que « tout prêtre qui se marie échappe à la déportation et qu'une rente de 800 à 1200 livres leur est allouée ». Voulant profiter de la loi et menacé par la société populaire de Saint-Loup l'abbé CORNUAULT prend femme le 28 brumaire an II (18.11.1793) (6) . Il épouse Louise JAULIN (7) née à SOULIEVRES le 2 octobre 1767 fille de Louis, journalier et Jane Renault ; ils habitent à LOUIN. L'acte de mariage est passé devant André Marsault, maire, officier publie et en présence de Louis RABY, sabotier (54 ans) demeurant à LOUIN et leur ami ; de Pierre Couturier, vigneron, cousin germain de l'épouse (27 ans) ; d'Alexis BERTONNEAU, vigneron (36 ans) beau-frère de l'épouse et de François FILLATREAU tisserand également beau-frère de Louise (32 ans) tous de cette commune. Ont signé : Marsault, maire ; Pierre Couturier, Louis RABY et CORNUAULT . Voilà notre ex-abbé en règle avec la loi. Il peut donc vivre tranquille...

signatureabbecornuaultSignature de l'Abbé CORNUAULT

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INUTILITÉ DES OBJETS DU CULTE

Le 3 février 1794 les trois cloches de l'église ayant été descendues la veille en même temps que la croix surmontant le clocher, les citoyens MARSAULT, maire et CAILBAULT, officier municipal, les transportent à Parthenay. Ils y déposent également deux calices, une patène et une custode. La commune pour leurs frais de déplacement leur accorde quatre livres. Marsault n'en reçoit que deux lorsqu'il transporte au même lieu la lingerie de l'église, des missels et divers ornements. Mais il faut reconnaître que la charge était moins lourde.

N'ayant plus les objets nécessaires pour la célébration du culte, le 4 février 1794 notre abbé renvoie ses lettres de prêtrise. Cependant il est arrêté et jugé à Parthenay le 27 mai, on le relâche. Il est à nouveau jugé à Niort le 29 juillet sous la présidence de BRIAULT, l'accusateur public étant LEBLOIS ; le défenseur PRUEL ; les juges sont Jacques BRIAULT, GAULTREAU, ALLONNEAU ; Tirant LE JEUNE étant greffier. Conformément à l'article cinq de la loi du 30 vendémiaire relatif aux ecclésiastiques sujets à la déportation ou à des peines corporelles il est relâché le 29 août. Pendant cette période notre ex-abbé ne peut assurer régulièrement son service d'officier public ; aussi le maire le remplace-t-il.

Le 18 septembre 1794 (2e jour sans cullotide an II) la Convention supprime les traitements aux ecclésiastiques. Certain considèrent que la suppression du budget du culte entraîne la liberté de ce dernier, confirmé par la Convention le 22 février 1795 (3 ventôse an III) qui rend les églises non aliénées et impose aux prêtres la soumission aux lois de la République (30 mai). Voulant profiter de la loi sur le divorce et comme la Convention semble plus tolérante, notre abbé et son épouse décident de divorcer. Le 9 thermidor an III (27 juillet 1795), ils comparaissent devant Pierre POUSSARD, officier municipal en jugement de conciliation. Ils convoquent six de

leurs proches parents soit pour notre abbé : Louis RABY, sabotier, René Bodin, fournier et pour remplacer Pierre GABILLY qui n'a pu comparaître, Mathurin GABILLY, son père, aussi cultivateur. Pour Louise JAULIN: Pierre Couturier, cultivateur, son cousin germain, François FILLATREAU, son beau-frère et à la place d'Alexis BERTHONNEAU, René Cailleteau, cultivateur ; les témoins déclarent « qu'il leur était impossible de les concilier » (8). Le 10 fructidor an III (27.08.1795) le divorce est donc prononcé devant Pierre POUSSARD officier municipal (9) et en présence des témoins cités ci-dessus. Le « vœu de la loi » est rempli puisqu'un délai d'un mois s'est écoulé entre ces deux

convocations. La Convention ayant proclamé la liberté des cultes, notre abbé reprend ses fonctions ecclésiastiques et célèbre le mariage de son ex-épouse qui, le 17 brumaire an V (5.11.1796) uni son destin à André Marsault, cultivateur, celui-là même qui avait procédé au mariage de Louise JAULIN et de notre abbé (10). Pendant l'été 1796. l'atmosphère devient plus favorable aux prêtes beaucoup d’émigrés rentrent en France, le culte reprend, mais ce répit est de courte durée. La Convention ne tarde pas à faire revivre contre les prêtres les lois de 1792 et 1793.

Celle même année, le 6 septembre, CORNUAULT est à nouveau arrêté, puis il est relâché. Mais ces continuelles suspicions, ses arrestations et ses emprisonnements, malgré ses preuves de bonne volonté pour être en règle avec la loi, font que notre abbé prend peur. jusqu'à ce jour la chance lui a souri, mais demain... ? Aussi cesse-t-il toute activité à partir de novembre 1796 et disparaît. Il se cache probablement aidé par les D'ABBADIE (11).

Après les élections de germinal an V, les nouveaux conseils s'attaquent aux lois de prescription. La résolution du 27 messidor an V (15.07.1797) transformée en loi le 7 fructidor (24 août) abroge les lois de prescription et l'on continue d'exiger des prêtres une promesse de soumission. Le coup d'Etat du 18 fructidor an V (4.09.1797) remet en vigueur les lois anciennes : on exige de tout ministre du culte le serment de haine à la royauté, des arrêts de déportation sont prononcés ; de nombreux prêtres se cachent. Certains redoutent la perte des avantages acquis pendant la Révolution et craignent le retour de leurs victimes. Pendant ce temps, la municipalité de LOUIN qui doit exiger de tous les fonctionnaires publics le serment de haine se demande dans quelle catégorie classer son curé et pose la question au directoire exécutif du canton de Voltaire (ST-LOUP-SUR-THOUET)... qui ne répond pas. Puis la municipalité s'adresse à la direction centrale de Niort.

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LA FIN DU CAUCHEMAR

Ce n'est que le 7 nivôse an VIII (27.11.1799) après le 18 brumaire due les églises sont rendues au culte. Vis-à-vis des prêtres on exige une simple promesse de fidélité à la constitution de l'an VIII et au lendemain du Concordat le pape accepte le mariage des prêtres qui avaient contracté une union avant le 15 août 1801. La tempête s'estompe, les esprits se calment. Le 4 germinal an XI (25.03.1803) l'abbé CORNUAULT adresse une pétition au sous-préfet de Parthenay au sujet de sa pension qui n'est plus versée depuis plusieurs années. Il signale qu'il a hérité d'une partie de la succession de son frère JEAN-ANTOINE et que le mobilier est allé à Madeleine CHARTRON, légataire de son frère. La même année, il expose les raisons de sa conduite dans un long mémoire en 20 points ; car il a à son actif d'autres fautes que son mariage :

          - Affiliation à une société populaire,

          - Achat de sa cure,

          - Exercice d'une charge dans une municipalité anti-cléricale (procureur jusqu'à l'élection du 13.11.1791 où il est remplacé par J.B. Bourreau).

          - Héritage de son frère appartenant à un chapitre régulier.

Suivant le vieil adage « Hors de l'église point de salut » il essaie de justifier sa conduite et trouve des raisons valables à tout mais reconnaît que son cas est fort embarrassant. Il demande que pour tout simplifier on le traite en assermenté et que malgré les erreurs apparentes « il était toujours resté attaché à l'église ». II vit désormais à ST-LOUP-SUR-THOUET où il exerce comme vicaire du 17 juin 1804 au 6 septembre 1806. A LOUIN, le curé est Noël Abel PASTURAL, ancien bénédictin ; mais ce dernier ne reste pas longtemps dans cette commune (du 2 février 1804 au 3 septembre 1807) car il est nommé à BEAULIEU. La cure étant vacante CORNUAULT demande le 20 novembre 1807 à M. de PRADT, évêque de Poitiers sa nomination à la succursale de LOUIN qu'il obtient d'ailleurs avec une pension de 266 F 66 c. Mais le 22 juillet 1808, il donne sa démission, renvoie sa nomination et le 5 mai 1809 son brevet. Il ost effacé des états ecclésiastiques. Un agent municipal de LOUIN affirme « que CORNUAULT ne se trouvait pas assez payé par les catholiques et que la confiance de ceux-ci n'était pas universelle ». II subit également des pressions. Pierre Lare, curé de SAINT-CLEMENTIN, diocèse de LA ROCHELLE lui demande de ne plus exercer à cause du scandale causé par son mariage, même si celui-ci fut fictif. Il meurt le 6 juin 1811, curé concordataire de LOUIN et régisseur des biens de M. D'ABBADIE.

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RÉGISSEUR DES BIENS DE M. D'ABBADIE (12)

Le 29 fructidor an VIII il est dit curé de LOUIN demeurant à Saint-Loup. Etant régisseur des biens du châtelain de cette commune il devait loger au château, probablement dans le vieux château non loin de la domesticité. Logeait-il dans l'aile du XVe siècle au-dessus de la chapelle comme l'abbé Bion, le futur archiprêtre de Niort qui occupe de 1735 à 1740 une chambre « tapissée de Bergame, meublée d'un secrétaire de bois d'amarante, de chaises tendues de maroquin rouge et d'un lit à la duchesse avec courte pointe de satin bleu et rideaux de soie feuille morte à fleurs d'argent, doublés de taffetas bleu- où jouent les bonnes grâces » (13). C'est en ces murs qu'il rédige son testament le 5 mai 1808 « en la chambre que j'habite au château de Saint-Loup » (14).

FORTUNE PERSONNELLE

Ce testament nous permet de connaître très exactement la fortune de notre abbé. Il est ainsi conçu :

Je Pierre René Marie CORNUAULT, prêtre catholique soussigné, voulant disposer de mon bien en faveur de ceux qui, dans les crises alarmantes que j'ai fréquemment éprouvées pendant la révolution, m'ont préservé de

la mort, rendu quelques services ou procuré mon bien-être, ai fait mon testament ainsi qu'il suit :

l) le donne à M. Laurent D'ABBADIE et à Mme son épouse demeurant à St Loup, la maison qui m'appartient dans le bourg de LOUIN et le jardin y attenant. A raison du présent don M. et Mme D'ABBADIE sont invités à procurer un logement au prêtre desservant la paroisse de LOUIN, en ce canton... (ils) ne pourront y être contraints et ce logement pourra être tout autre que celui que je donne. Eux et leurs successeurs feront sur cela ce que la loyauté leur inspirera (15) (cette maison avait été achetée le 8 thermidor an IV avec ses dépendances, 1450 F).

2) Je donne aux dits D'ABBADIE et à Mme son épouse le jardin que l'on nomme « la fruitière » et le pré y joignant situés à LOUIN (pré acheté le 25 février 1791 au district de Parthenay pour 1850 livres).

3) Je donne à mon ami JOUNAULT, homme de loi à Thouars... le bled de rente qui m'est dû sur la métairie de la Chaponnière (CHAPRONNIERE) en la commune d'Airvault.

4) Je donne à M. Georget, .notaire à Thouars, mon argenterie de table, le grand cabinet que j'ai à LOUIN...

5) Je donne à Alexis BERTHONNEAU et à Marie Jeanne JAULIN son épouse de BARROU, ma pièce de champ, située au terroir de la Melle en la commune d'Airvault.

6) Je donne à FILLATREAU, tisserand et à Jeanne JAULIN, son épouse, demeurant à LOUIN, la pièce de terre que j'ai achetée des héritiers TURQUOIS, celle située à LOUIN au lieu-dit du moulin à vent.

7) Je donne à André Marsault le jeune, maire de LOUIN et à Louise JAULIN, son épouse, mes boucles d'argent, une montre, le tonneau que j'ai à LOUIN, .les arbres qui sont autour du pré n° 2 ci-dessus et ma borderie de CHAMPEAU (commune de LOUIN) qui consiste, etc... (assez importante).

8) Je donne à mon cousin VERGNAULT d'Airvault et à sa sœur mes deux pièces de vignes de MALPOIGNES en la paroisse d'Airvault.

9) Je donne à Suzanne PAZIOT, mon ancienne gouvernante, la somme de 300 F.

10) Je donne à la gouvernante que j'aurais lors de ma mort la somme de 300 F.

12) Si lors de ma mort, André Marsault le Jeune, ou Louise JAULIN son épouse, sont dépositaires de quelques effets à moi appartenant, excepté de l'argent, je leur en fais don ainsi que mon bateau. Outre ce qui vient d'être énuméré l'abbé CORNUAULT possédait en plus :

- à TESSONNIERE : un bois de 6 boisselées,

- à AIRVAULT : une ouche de 4 boisselées.

Ne soyons pas étonnés si les prêtres sont propriétaires de biens matériels. Le clergé de second ordre gère les biens patrimoniaux hérités de leurs parents ce qui les oblige à se fixer dans leur pays natal. La déclaration du 16 novembre 1723 stipule que chaque ecclésiastique pouvait faire valoir sans taille les terres dépendant de ses bénéfices ou de ses biens patrimoniaux jusqu'à concurrence de quatre charrues dans une même paroisse (16).


EN CONCLUSION

Nous voici arrivés au terme de cette évocation. Nous aurions pu nous étendre sur certains faits, fournir plus de détails mais la place nous manque. Prêtre catholique, l'abbé CORNUAULT, accepte la Constitution civile du clergé, il accueille avec joie les premiers pas de la Révolution. Ne lui jetons pas la pierre, le bas clergé était en principe assez pauvre et vivait en communion parfaite avec le peuple. Si la Révolution dévie, si elle sombre dans le sang et l'anarchie ne soyons donc pas étonnés s'il « pousse alors le civisme au-delà des limites permises » (Abbé AUTEXIER). Cherchait-il à sauver sa tête, ou plus simplement à vivre au milieu de ses paroissiens pour leur prodiguer les consolations de la religion ?... Telle est la question que nous posons. Au lecteur de juger !...

Cl. A. FOUGEYROLLAS

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