Histoires et petites histoires

Mémoire de Louin

d'un village du Poitou

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18 décembre 1939, la 2e Division polonaise se cantonne à Veluché. Mais là, il faut construire de nombreux bâtiments pour loger les hommes, l’infirmerie, les chevaux, le matériel et l’armement. Il faut penser aussi à l’électrification, à la création d’un réseau routier, à l’alimentation en eau. Pour réaliser cet important ouvrage, l’état Français fait appel aux compagnies de travailleurs étrangers (les C.T.E.) dès le début décembre. Les 172e, 173e et 174e CTE de Saint-Cyprien-Plage reçoivent l’ordre de partir en direction d’un petit village des Deux-Sèvres : LOUIN.


Au préalable, il convient de faire un léger retour en arrière avec  l'arrivée en France, de janvier à mars 1939, de plusieurs centaines de milliers de Républicains Espagnols ainsi que de membres des Brigades Internationales. La bataille de l'Èbre puis l'entrée des troupes nationalistes dans MADRID le 26 mars 1939 avaient marqué la victoire du Général FRANCO et provoqué cet exode massif, la « Retirada ».

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Devant ce déplacement massif de réfugiés, le gouvernement Daladier doit ouvrir la frontière le 27 janvier 1939. Les autorités françaises se trouvent rapidement débordées et regroupent d'abord les réfugiés dans des centres de « contrôle » ou de « triage » à la frontière, puis dans des « camps de concentration » (terme officiel de l'époque) ou «d'internement ».

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270 000 militaires, 170 000 civils et 13 000 blessés et malades seront hébergés dans 7 camps ouverts à la hâte (Argeles-sur-Mer - Pyrénées-Orientales, St-Cyprien-Plage - Pyrénées-Orientales, GURS - Basses-Pyrénées, Agde - Hérault, Septfonds  - Tarn-et-Garonne, Vernet - Ariège et Bram - Aude). Villages de toiles dans un premier temps, les conditions de vie y sont déplorables, sans installations sanitaires, Saint-Cyprien-Plage est même déclaré officiellement « zone paludique ».

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Le décret-loi du 12 avril 1939, signé par le président de la république Albert Lebrun, impose aux étrangers bénéficiaires du droit d’asile d’apporter à l’armée Française des «prestations» sous forme de travail  en remplacement du service militaire. Ces prestataires, notamment espagnols (grande majorité des travailleurs étrangers), constituent les premiers contingents. Ils seront affectés dans des unités militarisées réparties à travers tout le territoire pour contribuer à l'effort de guerre qui s’annonce.

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Dimanche 10 Décembre 1939
, les 172e, 173e et 174e compagnies de travailleurs Espagnols arrivent à la gare d’Airvault, direction son cantonnement, le village de LOUIN mettant un terme à un très long voyage. Chaque compagnie est composée de 250 Travailleurs Espagnols encadrés par 10 officiers français. La 173e CTE est installé dans un bâtiment appartenant à Louise Brunet, la 174e est installée dans un moulin désaffecté au bord du Thouet, "le moulin de toutes voies".

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Après leur installation les voilà à la découverte du village qui les accueille. Mais là, ils ne trouvent personne. Louin est désert, les portes et les fenêtres sont fermées. Il est évident que les louinais sont réticents pour les accueillir. A cette époque mouvementée, la peur de l’étranger était de mise. C’est au bout de quelques jours que les fenêtres s’entrouvrirent.

C’est alors que le Monsieur le curé Retaillaud intervint en leur faveur au cours de son sermon lors de la messe le dimanche suivant. S’adressant à ses fidèles, il leur fit connaître quelle était leur vraie histoire, leur personnalité, comme eux chrétiens, ils étaient leurs frères, souffrant de l’exil, loin de leur famille et de leur patrie. Mal chaussés, mal  vêtus, pour certains encore en chemise au mois de décembre, le curé demanda le don d’effets chauds et que chaque maison ouvre ses portes à au moins un espagnol. En contrepartie, ceux-ci apporteront gentillesse et aide par des petits travaux qu’ils effectueront après le travail au camp des polonais.


Louin accueilli 700 hommes et devant l’afflux de cette population, le boulanger du village fut rapidement débordé. Il demanda si un boulanger de métier faisait partie des effectifs espagnols, afin de l’aider. C’est alors que tous levèrent le doigt, flairant sûrement la bonne place. Notre boulanger obtint finalement un ouvrier très convenable, qui travailla à la boulangerie pendant tout le séjour des espagnols dans notre village.


Parmi tous ces hommes, il y avait un médecin, originaire de la province d’Aragon. Son cabinet était établi dans une grande bâtisse en mauvais état, qui lui servait également de domicile. Cet édifice énorme et disproportionné avait deux immenses pièces communicantes, l’une d’elle servait de salle d’attente l’autre de cabinet de consultation. Dans celle-ci une simple table servait de pharmacie. Une bouteille d’eau oxygénée, une d’alcool, un flacon de teinture d’iode, un paquet de coton, des bandes et des tubes d’aspirine étaient les seuls médicaments dont il disposait. A tous les malades, il prescrivait invariablement le même remède : mettre une brique chaude là où l’on avait mal, d’où son surnom « Docteur la Brique ». Un jour, alors qu’un groupe d’ouvriers espagnols étaient affairé à  décharger un camion de brique, l’u deux aperçu le docteur. Il l’appela à grands cris et le rejoignant lui dit : « Je voulais simplement vous annoncer que nous sommes en train de décharger un camion de médicaments ».


Mai 1940, les travaux de construction du camp polonais s’achèvent,  les 3 compagnies de travailleurs espagnols reçoivent l’ordre de quitter Louin pour le village de Corme-Ecluse, village de Charente Maritime afin de construire les baraquements du camp d’aviation. Un départ ne se fait pas sans une fête.

C’est ce que les espagnols vont organiser pour remercier le village de leur accueil. Il y eu d’abord un match de football international sur le terrain de LOUIN, Espagne-Pologne, et un simulacre de corrida.

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Le 10 mai, avant leur départ pour la gare d’Airvault, les espagnols organisèrent, sous le commandement d’un ancien commandant militaire de l’armée républicaine espagnol, un défilé aux monuments aux morts de la guerre 14-18.

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Récit inspiré et photographies tirées du livre de Luis Bonet López ; Mémoires d'exil d'un espagnol: (Deux-Sèvres, Charente-Maritime, Gironde)
Traduit par Jacques Perruchon, Hervé Gautier, Éditeur : Le Croît Vif, 2002 - ISBN    2907967703, 9782907967709

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